Orgies de fin de peste : fantasmes médiévaux et Covid

On lit souvent qu'au Moyen Âge on organisait une immense orgie de fin de peste pour célébrer la disparition de la maladie. Depuis le coronavirus, cette idée revient dans des messages ironiques qui annoncent une orgie de fin de Covid ou une nuit de débauche pour marquer la fin de la pandémie. Nous savons pourtant, en regardant les chroniques, que cette image relève surtout du fantasme moderne. Comprendre comment on vivait réellement la peste noire et la fin des grandes épidémies nous aide aussi à réfléchir à la manière dont nous voulons célébrer la sortie de crise aujourd'hui, après le Covid-19.

Ce que l'on sait vraiment des fêtes de fin de peste

Quand une épidémie se calmait au Moyen Âge, les autorités parlaient surtout de messes d'action de grâce, de processions et de la réouverture des marchés. Les chroniqueurs mentionnent des cloches qui sonnent, des villes qui se remplissent à nouveau, des banquets où l'on boit et où l'on danse, mais pas de gigantesques orgies collectives organisées par les pouvoirs publics. Les gens sortaient d'années de peur, de deuil et souvent de ruine économique ; beaucoup n'avaient plus les moyens matériels ni la santé pour se lancer dans une longue débauche. Ce que l'on observe surtout, ce sont des fêtes mêlées de gratitude et d'inquiétude, pas un grand lâcher-prise sans limites.

Le mythe de l'orgie médiévale : d'où vient cette idée ?

L'image de l'orgie de fin de peste mélange plusieurs éléments bien réels : la peur du péché charnel au Moyen Âge, certaines fêtes populaires très arrosées et le besoin, après une peste ou une autre pandémie, de se sentir à nouveau vivant. Des prédicateurs critiquaient les tavernes, les bordels, les couples non mariés qui profitaient du chaos pour s'affranchir des règles. Ils exagéraient souvent les comportements jugés scandaleux pour renforcer la morale. Avec le temps, ces discours ont nourri l'idée qu'à la fin de l'épidémie, tout le monde se serait « lâché » dans une immense orgie médiévale, alors que les sources restent très prudentes sur ce point.

Confusion avec d'autres fêtes et peurs autour du corps

On confond parfois les réactions à la peste avec d'autres traditions, comme les carnavals ou certaines fêtes de fertilité où l'on inversait les rôles sociaux. Ces moments autorisaient l'alcool, les masques, les rapprochements physiques, et inquiétaient les moralistes. Ils dénonçaient volontiers la débauche, les « danses obscènes » ou les risques de nouvelles épidémies. Vu de loin, il est facile de transformer ces critiques exagérées en récit d'orgies géantes. En réalité, on voit plutôt des rassemblements festifs marqués par la peur du châtiment divin, les processions de flagellants et le souci d'éviter un retour de la maladie.

Internet, coronavirus et recyclage des vieilles rumeurs

Depuis le Covid-19, les réseaux sociaux raffolent des blagues sur « l'orgie de fin de coronavirus ». On voit circuler les mêmes phrases, parfois avec des images pseudo médiévales, sans aucune source. Ce type de rumeur fonctionne parce qu'il choque, fait rire nerveusement et joue avec l'angoisse de la pandémie. Beaucoup de personnes y lisent surtout un cri du coeur : « vivement que ce soit terminé et qu'on puisse se toucher à nouveau ». Mais rien ne prouve l'existence d'un rituel officiel de fête fin de peste sous forme d'orgie ; nous sommes face à un mème, pas à un fait historique établi.

Et pour la fin du coronavirus, qu'est-ce qui est prévu ?

Pour le coronavirus, on a surtout vu l'inverse d'une grande orgie : pendant plusieurs années, les autorités sanitaires ont limité les rassemblements festifs, interdit une partie des grandes événements de masse et encadré strictement les réunions privées. Mariages, festivals, concerts, fêtes de quartier ont été annulés ou reportés. Aujourd'hui, beaucoup rêvent d'une grande fête fin de Covid pour tourner la page, mais les spécialistes de santé rappellent que toute célébration doit rester encadrée : ventilation correcte, respect du consentement, prise en compte des personnes vulnérables et attention aux autres risques infectieux, y compris sexuels.

Célébrer sans fantasme et sans oublier la santé

Au bout du compte, cette histoire d'orgie de fin de peste en dit plus sur nos fantasmes contemporains que sur le Moyen Âge. Elle révèle notre besoin de défoulement après une longue épidémie, mais aussi notre manière d'utiliser l'humour noir pour supporter le stress du Covid-19. On peut très bien imaginer des fêtes, des bals, des repas de quartier ou des concerts pour célébrer la fin du coronavirus, tout en respectant la santé de chacun. Dans la pratique, beaucoup de gens préfèreront une soirée entre proches ou un grand repas partagé plutôt qu'une hypothétique orgie fin de peste rejouée à l'époque moderne.

De la peste noire au Covid-19, l'histoire des pandémies montre des sociétés qui cherchent un équilibre entre la joie de se retrouver et la peur de voir revenir la maladie. Nous pouvons tirer une leçon simple de ces expériences : célébrer, oui, mais avec mémoire et avec soin. Que l'on choisisse un concert, une fête de quartier ou une promenade tardive dans une ville enfin animée, la meilleure façon de marquer la fin d'une pandémie n'est pas une orgie, mais la reconstruction patiente de liens sociaux plus solides et plus attentifs aux autres.

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